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LETTRE DE GENÈVE
Le nouveau quartier de la gare de Morges (canton de Vaud), d’une remarquable hideur de l’avis général des citoyens de la petite cité médiévale lémanique, est la copie quasi conforme de celui de Renens, une dizaine de kilomètres plus à l’ouest, sur la même ligne de chemin de fer. A moins qu’il ressemble plutôt à ceux en construction à Liestal (canton de Bâle-Campagne) ou encore à Rotkreuz (canton de Zoug).
Le même troublant phénomène de similitude est à l’œuvre dans les grandes métropoles helvétiques. Impossible de différencier le nouveau développement de Pont-Rouge, à Genève, de celui de Europaallee, à côté de la Hauptbahnhof de Zurich, ou du projet Malley Central (en construction), en banlieue de Lausanne. Depuis une vingtaine d’années que dure cette mutation urbaine, le constat est désormais irréfutable. La Suisse s’uniformise de part en part.
Posons le décor. Géographique, pour commencer, avec un territoire exigu de 42 000 kilomètres carrés, dont les deux tiers sont occupés par des montagnes – la chaîne du Jura au nord, celle des Alpes au sud. Sur le tiers restant, le plateau suisse, il convient de caser bientôt dix millions d’âmes.
En toile de fond, le succès économique constant de la Confédération, qui entraîne une forte attractivité. Elle alimente à son tour la plus forte croissance démographique d’Europe. Laquelle, avec une immigration bien intégrée, contribue à la poursuite de la prospérité.
Conséquence, une pénurie de logements. Or, l’occasion fait le larron, le premier propriétaire foncier de Suisse n’est autre que les CFF (Chemins de fer fédéraux), devenus la deuxième société immobilière du pays, au fur et à mesure que les ex-friches ferroviaires, parcelles bien situées dans le centre des agglomérations, deviennent des « morceaux de ville » additionnels pour des dizaines de milliers de nouveaux arrivants.
Ces quartiers mixtes mélangent bureaux, logements, services publics et commerces dans des constructions qui gagnent en hauteur ce qu’elles perdent en originalité. Partout, les mêmes parallélépipèdes lisses, les mêmes grandes baies vitrées sans tain, les parkings souterrains, la sempiternelle succursale de Brezelkönig (boulangerie industrielle). Mots d’ordre, la densification et le respect de la rigoureuse norme helvétique « Minergie » – pour des bâtiments peu gourmands en énergie.
L’exigence de hauts rendements de ces nouvelles zones est maximale, bien que l’ex-régie ferroviaire fédérale ait acquis ces terrains à l’origine pour sa mission de service public. De fait, une partie de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire des CFF est financée par les revenus que l’entreprise tire de son empire immobilier, dont la valeur atteint 7 milliards de francs suisses (7,4 milliards d’euros).
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